Ces neuf sociétés, spécialisées dans le matériel médical, ont saisi la Chambre administrative de la Cour suprême pour demander l'annulation pure et simple du contrat par entente directe pour les travaux de relèvement des plateaux techniques des services d'imagerie médicale des hôpitaux, de construction et équipement de l'hôpital de Bakel et du Centre de diagnostic et d'imagerie (Cdim) au Centre hospitalier régional de Fatick et de fourniture de matériel roulant (ambulances médicalisées). Le journal Libération a fait savoir qu’il s'agit du marché financé par la banque allemande Kfw, objet d'une entente directe entre le ministère de la Santé et de l'Action sociale et la société Afrique Conception distribution (Acd) pour un montant de 71.315.140.944 Fcfa.
Pour les sociétés qui ont saisi la Cour suprême, la procédure a été marquée par « une violation des dispositions des articles 24, 61, 77 combinés du Code des marchés ». Dans leurs recours, elles écrivent : « (...) Selon les informations obtenues par Libé par le biais d'une dénonciation, un marché par entente directe est autorisé et conclu entre le ministère de la Santé et la société Afrique conception distribution dite «Acd» avec son partenaire Siemens, portant sur soixante-onze milliards trois cent quinze millions cent quarante mille neuf cent quarante-quatre (71.315. 140. 944) Fcfa, à financer par la Banque Allemande de Développement « Kfw», sous prétexte d'un relèvement des plateaux techniques d'imagerie médicale des hôpitaux (...)
Le motif évoqué par le Ministère de la Santé pour justifier cette entente directe est l'urgence impérieuse occasionnée par les événements du 21 mars 2021 et du 1er juin 2023 entre autres ; (...) le ministre de la Santé et de l'Action Sociale prétend vouloir prévenir des menaces d'épidémies notées dans certaines régions (Dengue, Coronavirus, Crimée-Congo et autres épidémies), ce qui est contraire à la vérité. Car d’après Libération, ce dossier avait fait l'objet d'une proposition par Siemens avec le même bailleur Kfw qui avait par correspondance en date du 02 février 2019 transmis l'expression de son engagement à financier ledit projet à hauteur de quatre-vingt-quatre millions (84,000,000) d'euros, répondant favorablement à une offre spontanée. »
Mais, « en 2021, la société Acd a réintroduit ce dossier en y rajoutant d'autres lots (...). Les propositions qui ont été faites en 2017 et rafraichies en 2022 ne pouvaient être conclues par entente directe, en vertu de la règlementation et des principes de libre concurrence et d'égalité de traitement des candidats », peut-on lire dans le recours.
Mieux, « le projet a été conçu en 2017, son besoin résorbé par les acquisitions de la Covid-19 avant d'être approuvé en 2023, soit une durée de six (06 ans, il y'a lieu de se demander si une urgence impérieuse saurait attendre six (06) ans plus tard pour être approuvé », estiment les requérants selon qui « même si ce marché avait fait l'objet d'appel d'offres ouvert il devrait être lancé en plusieurs lots pour permettre à tous les candidats de diverses spécialités, de principe d’égalité de traitement en respectant les candidats et de libre accès à la commande publique.
Les requérants soutiennent par ailleurs que « la Direction centrale des marchés publics n'a pas exercé de contrôle sur les motifs invoqués par l'autorité contractante, notamment si cette dernière a établi l'impérieuse urgence se contentant de reprendre l'argumentaire du ministère de la Santé. »
Carrefour médical et Cie pointent aussi du doigt une « violation de la loi notamment l'article 1 du Code des marchés publics. « Les fournisseurs biomédicaux ont, sur la base de financement bancaire, exécuté des marchés, assuré la maintenance et la fourniture des consommables nécessaires au fonctionnement et la fourniture des consommables nécessaires au fonctionnement des équipements; (...) Contre toute morale, éthique, transparence et principe et principe de concurrence, malheureusement, en concluant ce marché par entente directe, le ministre de la Santé de l'Action Sociale piétine le principe de la libre concurrence, en donnant à la société Afrique conception distribution l'exclusivité de la fourniture des consommables et de la maintenance des équipements, privant ainsi les autres fournisseurs de la possibilité de rembourser leur dette et d'amortir leur investissement », poursuit le recours, non sans ajouter : « par la conclusion de ce marché composé d'équipements d'imagerie médicale médicaux par entente directe, le ministère de la Santé piétine le principe de la libre concurrence, en donnant à la société Afrique conception distribution l'exclusivité de la fourniture des consommables et de la maintenance des équipements, privant ainsi les autres fournisseurs de la possibilité de rembourser leur dette et d'amortir leur investissement », poursuit le recours, non sans ajouter : « La conclusion de ce marché composé d'équipements d'imagerie médicale médicaux par entente directe a pour conséquence immédiate de tuer la concurrence et de créer un monopole de fait pour la société Acd pendant la durée de vie de ses équipements ; (...)
Dans le cas d'espèce, ce marché renfermant des centaines d'équipements d'imagerie médicale à savoir des scanners, des appareils de radio mobile, d'amplificateurs de brillance entre autres, entend substituer tout le parc existant dans le système sanitaire et même celui du Covid-19 (…) Le parc existant est géré par divers fournisseurs, assurant ainsi la sécurité et la compétitivité pour la continuité de l'offre de soin en cas de défaillance de l'un d'entre eux; (...) Les coûts générés par ces équipements, notamment. les consommables dont les films numériques et pièces de rechange, la maintenance, sont évalués environ à la somme de dix (10) milliards de Fcfa l'année, soit la somme de (100) milliards sur une durée de dix (10 années.
Est-il logique d'attribuer un marché de soixante-onze milliards trois cent quinze millions cent quarante mille neuf cent quarante-quatre (71.315.140.944) milliards de Fcfa en plus de cent (100) milliards prévus pour la maintenance et l'entretien desdits équipements à un seul fournisseur au détriment d'autres qui ont consenti de lourds investissements devant être rentabilisés ? », s'interroge le recours relayé par Libération.
D'après les plaignants, «il y a un réel danger et un risque de discontinuité du service public sanitaire, qui est un secteur régalien de l'Etat. » Pour eux, «en confiant l'exclusivité de la fourniture des équipements et consommables d'imagerie ainsi que leur maintenance à une seule entité à savoir Siemens et son partenaire Afrique conception distribution dite Acd, l'Etat aura fini de confier le diagnostic sanitaire des sénégalais à une seule entreprise et son partenaire étranger; (...) Ce monopole constituera un réel danger sanitaire en cas d'arrêt complet des équipements de diagnostic occasionné par une rupture de consommables et/ou la défaillance de la maintenance détenue par un seul opérateur. »
Pour toutes ces raisons, les avocats des plaignants demandent à la Cour suprême l'annulation du contrat et l'ouverture d'un appel d'offres alloti en plusieurs lots pour attribuer le marché attaqué.