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Combien le projet Sangomar peut vraiment rapporter au Sénégal


Rédigé le Jeudi 20 Juin 2024 à 08:36 | Lu 12 fois | 0 commentaire(s)



L’annonce de la production des premiers barils de pétrole du Sangomar a fait le tour du monde. Officiellement, le Sénégal est entré dans le club des producteurs pétroliers. Mais la question reste posée de savoir ce que le pays ouest-africain gagnera réellement de cette activité. L’Agence Ecofin a fait le calcul.

Plusieurs analyses ont été produites sur le sujet, mais elles ne prennent en compte que certains paramètres. Pour se faire une idée de ce que le pays va tirer comme part de la rente, il faut une compréhension claire des mécanismes qui gouvernent ce partage et des défis qui l'entourent.

Dès leur arrivée au pouvoir, l'équipe Sonko/Diomayé a promis de revoir les arrangements fiscaux autour de ce projet pour accroître la part du Sénégal dans les revenus du pétrole qui sera produit. Selon des propos rapportés par la Tribune Afrique, l'ancien président Macky Sall indiquait que c'est une option mais qu’elle ne sera pas utile car le Sénégal s'octroie déjà 60% de la rente pétrolière.

Dès leur arrivée au pouvoir, l'équipe Sonko/Diomayé a promis de revoir les arrangements fiscaux autour de ce projet pour accroître la part du Sénégal dans les revenus du pétrole qui sera produit. 

Pour en savoir davantage, nous avons examiné le contrat pétrolier de Sangomar, qui est accessible et public, le Sénégal étant plutôt transparent sur ces questions. Notre attention s’est portée sur les acteurs, les attentes initiales des autorités sénégalaises et sur les possibles points de renégociation.

Les acteurs directs du projet

Les acteurs visibles du projet sont aujourd'hui Woodside Energy, le partenaire à l'exploration enregistré en Australie. La société possède désormais 82% des parts du projet, après avoir successivement acquis les participations de Cairn et First Australian Resources (FAR).

Par le contrat de recherche et de partage de production (CRPP) sur le projet, l'État du Sénégal était représenté dans la joint-venture de recherche par une participation de 10% (Article 24).

Ceci ne signifiait pas que le Sénégal détenait uniquement 10% de la ressource, mais plutôt que cela représentait la part que le pays devait apporter en contribution aux charges d'exploration du projet. Précisons que selon le contrat, cette charge de l’Etat a été avancée par les autres associés.

Par ailleurs, le contrat CRPP indiquait aussi qu'en cas de découverte de pétrole, et lorsque le projet sera entré dans sa phase de développement et d'exploitation, le gouvernement sénégalais avait le droit d'accroître sa participation, qui déterminait sa part dans le partage de la production distribuable (Profit Oil), mais aussi sa contribution aux dépenses.

Cette participation a été portée de 10% à 18%. Ainsi, l'entité d'exploitation du pétrole de Sangomar compte deux associés, à savoir Woodside Energy (82% des charges et profits) et l'État du Sénégal (18% des charges et profits).

Ainsi, l'entité d'exploitation du pétrole de Sangomar compte deux associés, à savoir Woodside Energy (82% des charges et profits) et l'État du Sénégal (18% des charges et profits). 

Toutefois, il y a un troisième acteur qui, lui, a des intérêts passifs qui sont connectés à Woodside Energy. Lorsque cette dernière a racheté la participation de FAR Limited, elle a payé une partie de la somme en cash, et le paiement du solde (55 millions $) a été renvoyé à la période où le pétrole commencerait à sortir des puits.

Ce à quoi a droit le Sénégal

Dans un projet pétrolier, les pays négocient souvent pour obtenir plusieurs sources de revenus. Il y a déjà les bonus pétroliers. C'est une somme d'argent versée par une compagnie pétrolière à un gouvernement, en échange des droits d’exploration ou d’exploitation d’une ressource naturelle. Ces bonus peuvent intervenir au moment de l’obtention des autorisations d’exploration, mais aussi après la découverte de la ressource, au début de sa phase de production ou encore au renouvellement du permis d’exploitation.

À côté des bonus qui sont payés en une fois, il y a des droits fixes hors redevances. Ce sont des paiements réguliers que les compagnies pétrolières doivent effectuer à un gouvernement ou à une entité propriétaire des droits d'exploration et de production de pétrole. Ces droits sont préétablis et ne varient pas en fonction de la production ou des bénéfices réalisés.

S’ajoute aussi la redevance superficiaire. C'est le paiement annuel ou trimestriel pour l'occupation et l'utilisation du terrain pour l'exploration et la production de pétrole. Ce droit est généralement calculé en fonction de la superficie de la concession.  

Il faut encore compter la redevance pétrolière. C'est un paiement effectué par une compagnie pétrolière à un gouvernement en échange du droit d'exploiter des ressources pétrolières. Ce paiement est généralement calculé en fonction de la quantité de pétrole extrait ou produit, et il représente une part des revenus générés par cette production.

Sur les quantités une fois ces droits et redevances réglés, la part de production restante fait encore l'objet d'une division entre ce qu'on appelle le Cost Oil (part de la production destinée à rembourser les coûts d'exploration, de développement et de production) et le Profit Oil (part de la production à distribuer entre Woodside et Petrosen.

Enfin, le gouvernement prélève l'impôt sur les sociétés pétrolières et à travers la société pétrolière nationale, il reçoit une part de Profit Oil conformément à son pourcentage de participation dans la joint-venture en charge de l’exploitation. Avec ces éléments d'analyse, on peut avoir un schéma des flux de revenus que tirera le Sénégal, sur la base du CRPP sur Sangomar. 
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Techniquement donc, dans la négociation de ce contrat, le Sénégal avait été plutôt généreux avec ses partenaires et le gouvernement de Macky Sall s'en est rendu compte par la suite.

Techniquement donc, dans la négociation de ce contrat, le Sénégal avait été plutôt généreux avec ses partenaires et le gouvernement de Macky Sall s'en est rendu compte par la suite. 

Même s'il n'a pas renégocié spécifiquement le contrat de Sangomar, le code pétrolier de 2019 a apporté plusieurs changements. Par exemple, il est désormais prévu d'obtenir un bonus qui est déterminé dans le contrat.

Il est aussi désormais prévu des droits fixes de 50 000 $. La redevance superficiaire a aussi enregistré des modifications, et passe de 5 $ par km² par an, à un taux situé entre 30 $ et 35 $ par km² par an. Une redevance pétrolière située entre 7% et 10% a été instituée. Aussi, la part des dépenses affectée aux remboursements des dépenses a été limitée dans une fourchette de 55% à 77% de la production de brut.

Donc une chose est évidente : le projet Sangomar n'est pas celui où le Sénégal optimisera ses gains sur son pétrole. Une rapide comparaison avec le Congo, un autre pays pétrolier d'Afrique, montre bien que le deal sénégalais est susceptible d'amélioration, comme le suggère l'équipe Sonko/Diomaye.

Une rapide comparaison avec le Congo, un autre pays pétrolier d'Afrique, montre bien que le deal sénégalais est susceptible d'amélioration, comme le suggère l'équipe Sonko/Diomaye. 

Dans le pays d'Afrique centrale, les joint-ventures pétrolières ne paient pas l'impôt sur les sociétés, mais les bonus de signature de contrat atteignent 4,5 millions $.

Il y a une redevance pétrolière annuelle de 15% de la production, et la part de pétrole affectée au remboursement des dépenses est limitée à seulement 60%. La redevance superficiaire est fixée à 800 $ par kilomètre carré et par année. Quant au partage du Profit Oil, l'État s'offre au minimum 47% et cela peut même aller jusqu'à 85% dans le cadre de ce qu'on appelle les super profits. 
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En plus de ces pertes d'opportunités liées à un contrat dont les termes de la négociation auraient pu être meilleurs pour l’Etat, le Sénégal a accordé des exonérations sur plusieurs équipements destinés à l'exploitation et au développement. On ignore cependant si ces exonérations, qui sont des subventions fiscales, seront comptabilisées comme la contribution du Sénégal à l'effort de développement et de production. De même, le contrat a laissé une marge de manœuvre à l’entreprise exploitante pour définir l’amortissement de ses coûts d’exploration et de mise en production. En conséquence, on risque de très souvent atteindre le seuil maximal de 75% de Cost Oil dans les premières années de production

Par ailleurs, pour tenir une partie de ses engagements dans le développement du projet, Petrosen, la société nationale pétrolière, avait emprunté l'équivalent de 450 millions $ pour financer sa contribution au développement du projet. Le prêteur était une filiale de Woodside, et les taux d'intérêt oscillaient entre 7% pour la phase de production et 13% pour la phase de développement. Un coût financier qui devrait davantage réduire la part du Sénégal dans le projet. 

Le prêteur était une filiale de Woodside, et les taux d'intérêt oscillaient entre 7% pour la phase de production et 13% pour la phase de développement. 

Enfin, les évaluations les plus récentes de l’impact environnemental de cette exploitation ne sont pas accessible au public. Il reste important de consulter le plan de gestion environnemental pour savoir comment ont été réparties les responsabilités. 

Ce que gagne le Sénégal par rapport aux estimations initiales 

Répondre à cette question revient à réévaluer le projet selon les conditions actuelles. Lorsque le décret autorisant l'exploitation a été signé, le président Macky Sall a validé une analyse qui prévoyait un coût global de développement du projet de 4,2 milliards $ et des dépenses d'exploitation annuelle de 326 millions $. Dans ces conditions, la part de l'État sur 25 ans d'exploitation était prévue à 12,5 milliards $, pour une prévision de prix moyen du baril à 65 $.

Plusieurs paramètres ont changé depuis 2020. Le coût du développement du projet est désormais estimé à 5,2 milliards $ selon des données fournies par Woodside Energy à S&P Global Ratings. Quant aux charges d'exploitation du projet, elles n'ont pas encore fait l'objet de divulgation publique et la Petrosen devra y contribuer à hauteur de 18%.

Par ailleurs, la moyenne des prix du baril des trois dernières années (2021, 2022 et 2023) est autour de 84 $. On ignore naturellement la trajectoire que prendront les prix de cette ressource dans le futur, notamment depuis que la valeur de celle produite par l'Arabie Saoudite n'est plus indexée sur le dollar américain.

Rapportés aux prévisions initiales de gains pour le Sénégal, cela ne ferait que 21%. On est loin des 60% qui seraient revendiqués par Macky Sall. 

Dans tous les cas, si on reste sur les anciennes références des prix, une production de 100 000 barils par jour devrait générer 60 milliards $ en 25 ans selon des calculs de l'Agence Ecofin. Rapportés aux prévisions initiales de gains pour le Sénégal, cela ne ferait que 21%. On est loin des 60% qui seraient revendiqués par Macky Sall. 

La marge de manœuvre pour le duo Diomaye/Sonko

Les capacités de l’équipe dirigeante actuelle du Sénégal restent très faibles sur le plan juridique. Le Contrat CRPP de Sangomar prévoit dans son article 33 et suivant, une clause de stabilité. L’alinéa 3 de cette disposition juridique indique que tout changement aux conditions existantes au moment de la signature du Contrat n’est pas applicable aux partenaires en charge de l’exploitation dans le projet.

Ainsi, malgré une nouvelle loi pétrolière en 2019, les conditions de 2004 restent applicables dans ce cas de figure. Un recours en arbitrage a été prévu, mais les juridictions compétentes sont situées en dehors du Sénégal. Et toute tentative de passer en force pourrait provoquer une situation de force majeure qui mettrait les parties en litige international.

Le gouvernement actuel peut cependant assurer la surveillance des quantités produites, ou encore vérifier que toutes dépenses attribuées au développement et à l’exploitation du projet sont bien mesurées, pour éviter des situations de réduction injustifiée des bénéfices à se partager ou de l’impôt sur les sociétés. Cela passe par un cadre fiscal plus transparent, qui donne à l’administration fiscale le pouvoir de contrôle nécessaire pour prélever l’impôt effectivement dû.




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